25/07/2011

Le Petit Bonzi

"Jacques Rougeron a douze ans. Un soir d'automne, au pied de son immeuble, il croit avoir enfin trouvé le moyen de guérir. Jacques Rougeron est bègue. Il voudrait parler aussi vite, aussi bien que Bonzi et tous les autres. Bonzi, c'est son ami, son frère, c'est lui, presque. Bonzi le soutient. Ils n'ont que quelques jours. C'est leur secret."

C'est le premier roman de Sorj Chalandon, sorti en 2005, bien avant "Une Promesse" que j'ai dégusté il y a quelque temps. Infiniment personnel et poétique, possiblement autobiographique, le récit trace l’histoire de Jacques Rougeron, un enfant des années 1960, un enfant comme les autres, ou presque : un petit garçon bègue, qui cherche en permanence des recettes pour pouvoir vivre son enfance.

Des cahiers de mots aux secrets gravés sous son lit, des rituels aux rêves éveillés, jusqu'à Bonzi, son ami de cœur, son alter ego, qui l'aide à surmonter les peurs, les moqueries, les coups, les lendemains orageux. Avec Bonzi, Jacques ne bégaie jamais. Bonzi est son pilier, son guide, sa force. Auprès d'eux nous vivons la vie avec les camarades de classe, les mensonges, les ragots, les échanges, la solidarité mais aussi la méchanceté dont chacun est capable face à la différence, les jeudis de liberté, le maître au visage sévère mais à l’âme douce et généreuse.

L’écriture était encore en recherche, certes, mais elle donne à ce roman d'enfance des mots justes et purs. Un récit très touchant, dans sa mélancolie naïve, dont certains passages m'ont mis les larmes aux yeux.

"D'un coup, un matin, comme ça, il n'a plus craint les consonnes, ni les voyelles, ni les syllabes, ni rien. Ses mots étaient en fête, en propre, en habits du dimanche, élégants, soyeux, fiers, ils flânaient dans des phrases si vastes qu'ils y marchaient de front. La tempête était apaisée. Elle avait quitté son souffle. Chaque mot attendait de dire. Il patientait en gorge comme on rêve au salon. Presque, il a failli jeter son dictionnaire des synonymes. Le détruire, le brûler, le saccager, l'envoler page à page comme des feuilles mortes. En faire des avions, des aérodynes, des aéronefs, des aéroplanes, des fusées, des missiles, des boulettes, des boules, des balles, des billes, des bulles, des globes, des sphères. Faire taire ces mots pour rien, ces mots appris par coeur, tous ces mots de rechange quand un mot bègue en lèvres."

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